Les (r)évolutions stratégiques qui nous attendent ou qui vont nous surprendre

L’année 2023 est bien lancée et l’actualité stratégique à venir promet d’être tout aussi chargée et inattendue. Avant de nouvelles aventures et publications, un bref retour sur les publications de l’année 2022 avec un bref point d’étape ou des mise à jour.

1./ « L’AUKUS sans les sous-marins », article publié sur la plateforme francophone d’analyse des questions internationales Le Rubicon.

J’ai eu la belle opportunité de publier cet article sur Le Rubicon en fin d’année dernière pour revenir sur les grands enjeux stratégiques et capacitaires de ce partenariat stratégique qu’est l’AUKUS pour l’Australie. 2023 sera l’année de la présentation de la revue stratégique australienne qui va devoir faire des arbitrages, tout en maintenant un niveau d’ambition élevé.

Cela sera aussi le moment de la présentation du futur programme de sous-marins à propulsion nucléaire qui a fait aussi l’actualité de ces dernières semaines, juste après la publication de cet article (forcément), avec les inquiétudes de sénateurs américains sur l’impact de ce projet sur les capacités américaines de production sous-marine. Une solution sera trouvée et il ne manque plus que quelques semaines pour savoir à quoi ressemblera ce programme ainsi que les capacités nouvelles de défense australienne. A suivre donc.

2./ Le retour de la dissuasion nucléaire en tête de l’agenda stratégique.

Les sujets traités en 2022 ont naturellement tourné autour des questions de la dissuasion nucléaire et de l’arme nucléaire. La conférence de révision annuelle du TNP a eu lieu durant les grandes vacances et n’a pas débouché sur une déclaration commune encore une fois. Le TNP est l’un des fondements de l’architecture de non-prolifération et du désarmement nucléaire mais il souffre dorénavant d’un retour du rôle central de l’arme nucléaire. Les puissances dotées se réarment, au moins qualitativement, les puissances bénéficiant du « nuclear sharing » américain modernisent leurs capacités, les puissances nucléaires hors TNP ne présentent aucun signe de remise en cause de leurs programmes nucléaires, sans aucune perspective d’adhésion au TNP. La dynamique du désarmement est dorénavant poussée hors du cadre du TNP par les puissances non dotées qui se montrent de plus en plus exigeantes en la matière. C’est peut-être en dehors de ce cadre que le régime du TNP y trouvera une planche de salut.

Ce débat sur le rôle de l’arme nucléaire revient aussi sur le devant de la scène en France dont le Président a annoncé sa volonté de « réarmer » la France dans sa revue nationale stratégique. Réarmer les esprits plus précisément pour convaincre que la solution à tous nos problèmes réside dans la centralité de cette arme pour notre défense. Comme énoncé dans mon analyse de cette revue assez prudente au final, faire de la dissuasion la priorité numéro 1 risque de se faire au détriment du reste. Certes, cette arme pèse dans les calculs des uns et des autres et nous permettra de ne pas perdre, en théorie. Mais si cela se fait au détriment des autres capacités nous permettant de garder liberté d’actions, agilité et capacité de peser sur les grands enjeux de défense et de sécurité, tous les beaux discours sur la puissance d’équilibres que nous sommes apparemment ne seront que rhétoriques et nous nous condamnerons à l’impuissance.

La position française est au final et peut-être malheureusement assez classique et conforme à certains épisodes passés bien douloureux où nous avions été en retard d’une guerre. Allez, évoquons ce risque de faire de notre dissuasion la « ligne Maginot » du 21 ème siècle. Un superbe édifice technologique et militaire qui va se faire déborder par l’agilité et les capacités fournies par de nouvelles technologies et la nouvelle manière de faire la guerre. C’est l’interrogation que nous devrions nous poser pour penser notre dissuasion non pas comme au temps de la guerre froide, mais comme celle applicable à notre époque actuelle. La lecture du Livre « The Second Nuclear Age » revue sur ce blog est sûrement l’une des plus pertinentes pour nous positionner dans le bon âge nucléaire. Ce livre date de 2012 mais est d’une actualité frappante et ses conclusions pertinentes pour nous, pour peu que l’on dépasse le bon réflexe français du rejet épidermique de ce qui vient d’outre-atlantique. Il serait bon que la France actualise son approche dissuasion et se rende compte de la pertinence d’intégrer d’autres éléments dans sa réflexion pour ne pas courir le risque de passer à côté de certaines ruptures technologiques ou stratégiques.

3./ Une revue nationale stratégique qui est au mieux prudente, une loi de programmation militaire qui inquiète.

La revue nationale stratégique qui devait mettre à jour notre logiciel stratégique après la guerre en Ukraine a fait preuve d’une certaine prudence qui n’appelle pas vraiment à un grand soir pour la Défense ou la puissance française. Dans l’attente de la présentation de la loi de programmation militaire, ce sont les montagnes russes émotionnelles qui nous mènent à craindre pour la pérennité de certains pans de nos capacités militaires. Là où la Pologne se réarme à tout va, ou bien, là où l’Allemagne ne sait pas trop comment dépenser ses 100 milliards, la France hésite. Il est bon de savoir faire les choix, mais la réalité est que la revue nationale stratégique n’en a pas vraiment fait en les refoulant sur la suite. Cette suite sera la LPM qui ne manquerait pas de créer un certain malaise si le Président français devait venir expliquer pourquoi sacrifier tel ou tel programme français tout en maintenant le SCAF ou l’Eurodrone avec les Allemands… Mais tout cela n’est que spéculation et on aura bien le temps d’en débattre dans les semaines à venir. Tout en espérant qu’on se serait fait peur pour rien.

4./ Guerre en Ukraine : L’heure de vérité pour la puissance russe, l’heure du réveil pour l’Occident

A quelques jours du lancement de l’invasion russe de l’Ukraine, la revue de ce livre « Russians among us » interrogeait sur le rough power russe qui a pris ses aises en 2022 avec la tentative d’invasion russe de l’Ukraine et de renversement de son gouvernement pour la rétablir dans son giron stratégique. En relisant rapidement cet article, force est de constater que cet événement a fait basculer notre monde vers de nouveaux territoires craints et dorénavant inconnus. Les exercices de prospective sont fascinants. Ce que l’on croyait impossible se réalise.

On ne sait pas combien de temps la guerre en Ukraine va durer. Les relations de la Russie et l’Occident sont partis pour être mauvaises pour longtemps dans tous les cas. Pour le régime de Poutine, c’est son moment ou jamais pour restaurer la grandeur russe impériale fantasmée depuis les décennies post-guerre froide. De l’autre côté, l’Occident tant vilipendé fait bloc et se réarme, avec une préférence largement américaine. L’OTAN déploie dorénavant sans tabou ni limite ses forces en Europe de l’Est. En contre-partie, l’alignement stratégique avec l’allié américain se répercutera de façon encore largement insoupçonnée sur les autres questions globales comme… les relations futures avec la Chine. Les dominos tomberont les uns après les autres et nous n’en sommes encore qu’aux prémices.

La suite, en 2023. A bientôt sur les ondes.

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